Avocat en droit des affaires et fiscalités

Oussama Bourass EI

- Actualités en Droit des affaires -

Un pacte d’associés conclu pour la durée de la société n’est pas un engagement perpétuel

Un pacte d’associés conclu pour la durée de la société n’est pas un engagement perpétuel

Un pacte conclu entre des associés personnes physiques pour la durée restant à courir de la société est à durée déterminée et il ne peut pas y être mis fin unilatéralement. Il en est ainsi même s’il prévoit qu’il sera renouvelé en cas de prorogation de la durée de la société.

Un pacte d’associés, liant un père et ses cinq enfants tous associés d’une SAS membre d’un groupe et précisant les mesures à mettre en œuvre lorsque le père ne sera plus associé de la SAS afin que le groupe reste au sein de la famille, est conclu pour la durée de la société, c’est-à-dire pour le temps restant à courir jusqu’à l’expiration des 99 années à compter de la date de l’immatriculation de cette société au RCS, soit 58 ans. Il prévoit en outre que, au terme de cette première période, il sera automatiquement et tacitement renouvelé pour la nouvelle durée de la société éventuellement prorogée et que, à l’occasion de chaque renouvellement, toute partie pourra dénoncer le pacte pour ce qui la concerne, en notifiant sa décision au moins six mois à l’avance aux autres parties. Une clause du pacte précise que le pacte liera les héritiers, légataires, ayants droit, ayants cause de chacune des parties, et notamment leurs holdings familiales, ainsi que leurs représentants légaux et qu’il leur bénéficiera.

Sur demande de plusieurs signataires du pacte, qui font valoir qu’ils ne pourront en sortir qu’à un âge particulièrement avancé (entre 79 et 96 ans selon les signataires), une cour d’appel juge que cette durée, qui confisque toute possibilité réelle de fin de pacte pour les associés, est excessive et ouvre aux parties la possibilité de résilier ce pacte unilatéralement à tout moment (application des articles 1210 et 1211 du Code civil, en vertu desquels chaque partie peut mettre fin à tout moment aux engagements perpétuels ou conclus pour une durée indéterminée).

A tort, selon la Cour de cassation. En effet, il résulte de la combinaison des articles 1134, al. 1 dans sa rédaction alors applicable (repris par l’article 1103, prévoyant que les contrats ou conventions légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits) et 1838 (selon lequel la durée de la société ne peut pas excéder 99 ans) du Code civil que la prohibition des engagements perpétuels n’interdit pas de conclure un pacte d’associés pour la durée de vie de la société, de sorte que les parties ne peuvent pas y mettre fin unilatéralement.

Réforme de l’exercice en société des professions libérales : l’ordonnance est parue

Réforme de l’exercice en société des professions libérales : l’ordonnance est parue

Une ordonnance refond le cadre législatif applicable à l’exercice en société des professions libérales réglementées, notamment aux sociétés civiles professionnelles et aux sociétés d’exercice libéral. L’objectif est de rendre la loi plus intelligible pour les professionnels et de la moderniser.

Prise sur habilitation de la loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante (Loi 2022-172 du 14-2-2022 art. 7 : BRDA 6/22 inf. 24), une ordonnance, qui vient de paraître, simplifie et regroupe les textes transversaux applicables aux professions libérales réglementées (Ord. 2023-77 du 8-2-2023).

Les professions soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé regroupent environ 700 000 professionnels de divers secteurs (avocats, vétérinaires, experts-comptables, etc.). Chacune de ces professions est régie par des textes particuliers, qui prévoient des exigences spécifiques en matière de déontologie. En outre, des dispositions transversales, qui fixent notamment les modalités d’exercice sous la forme de société (sociétés civiles professionnelles, sociétés d’exercice libéral, etc.) leur sont applicables. Les réformes successives de ces textes ont engendré une superposition et un enchevêtrement de régimes juridiques, générant à la fois de la complexité et de la confusion.

L’ordonnance vise à rationaliser et clarifier la réglementation des sociétés permettant aux professions libérales réglementées d’exercer leur activité, en fondant en un texte unique l’ensemble des textes transversaux qui leur sont applicables. Ce dispositif n’entrera en vigueur, pour l’essentiel, que le 1er septembre 2024. Un délai d’un an à compter de cette date est prévu pour permettre à certaines sociétés existantes de se mettre en conformité avec les nouvelles mesures.

Les professions libérales réglementées seront regroupées en trois familles : les professions de santé, les professions juridiques et judiciaires et les professions techniques et du cadre de vie (experts-comptables, commissaires aux comptes, architectes, géomètres-experts, etc.).

Seront abrogées, notamment, la loi de 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles (Loi 66-879 du 29-11-1966) et la loi de 1990 qui régit les sociétés d’exercice libéral, les sociétés pluridisciplinaires d’exercice, les sociétés de participation financière de professions libérales (SPFPL) et les sociétés en participation des professions libérales (Loi 90-1258 du 31-12-1990). L’ordonnance reprend en grande partie la substance de ces lois, mais certains dispositifs sont modernisés, tel celui des SPFPL, dont le périmètre s’élargit. Des dispositions visant à une plus grande transparence de la gouvernance des sociétés vis-à-vis des autorités compétentes en matière d’agrément ou des ordres professionnels sont également introduites.

Comptes courants d’associés : taux maximal d’intérêts déductibles

Comptes courants d’associés : taux maximal d’intérêts déductibles

Le taux maximal d’intérêts déductibles servi aux comptes courants d’associés pour l’année civile 2022 s’établit à 2,21 %.

Les intérêts servis aux associés ou aux actionnaires à raison des sommes qu’ils mettent à disposition de la société en sus de leur part du capital sont admis en déduction des résultats imposables dans la limite de la moyenne des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit, pour des prêts à taux variable aux entreprises, d’une durée initiale supérieure à deux ans. Pour le quatrième trimestre 2022, le taux effectif moyen pratiqué par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d’une durée initiale supérieure à deux ans, s’élève à 3,36 % (JO du 28-12).

Les taux du 1er au 4e trimestre 2022 s’élevant respectivement à 1,15 %, 1,96 %, 2,38 % et 3,36 %, le taux maximal d’intérêts déductibles s’établit à 2,21 % pour les entreprises dont l’exercice clos le 31 décembre 2022 coïncide avec l’année civile.

Les sociétés qui arrêteront au cours du 1er trimestre 2023 un exercice clos du 31 décembre 2022 au 30 mars 2023 inclus peuvent dès à présent connaître le taux maximal de déduction qu’elles pourront pratiquer au titre de cet exercice.

La cession de l’usufruit de droits sociaux échappe au droit proportionnel d’enregistrement

La cession de l’usufruit de droits sociaux échappe au droit proportionnel d’enregistrement

La cession de l’usufruit de droits sociaux n’emportant pas mutation de propriété, la cession de l’usufruit temporaire de parts de sociétés à prépondérance immobilière est enregistrée moyennant le paiement d’un simple droit fixe.

Par une décision inédite, la Cour de cassation juge que la cession de l’usufruit de droits sociaux, qui n’emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux, n’est pas soumise au droit proportionnel d’enregistrement prévu à l’article 726 du CGI applicable aux cessions de droits sociaux.

Il en résulte que l’acte constatant la cession de l’usufruit temporaire de parts de sociétés à prépondérance immobilière est enregistré moyennant le paiement du seul droit fixe de 125 € prévu à l’article 680 du CGI (et échappe au droit de 5 %).

La Cour fonde sa décision sur les dispositions de l’article 578 du Code civil aux termes desquelles « l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance » et en déduit que l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire, de sorte que la cession de l’usufruit de droits sociaux ne peut être qualifiée de cession de droits sociaux. Elle tire ainsi les conséquences, sur le plan fiscal, de l’arrêt du 16 février dernier (et de l’avis qui l’a précédé) ayant dénié la qualité d’associé à l’usufruitier de droits sociaux, celle-ci n’appartenant qu’au nu-propriétaire ( Cass. com. avis 1-12-2021 no 20-15.164 FS-D ; Cass. 3e civ. 16-2-2022 no 20-15.164 FS-B).

Rupture d’une relation commerciale renégociée annuellement : effectivité du préavis

Rupture d’une relation commerciale renégociée annuellement : effectivité du préavis

Lorsque les conditions d’une relation commerciale établie font l’objet d’une négociation annuelle, ne constituent pas une rupture brutale de cette relation les modifications apportées durant l’exécution du préavis qui ne sont pas substantielles.

Un distributeur de produits électroniques grand public qui entretient depuis douze ans des relations commerciales avec un fournisseur sur la base de conditions commerciales renégociées annuellement se voit notifier la rupture de leurs relations avec un préavis de quinze mois. Il engage à l’encontre du fournisseur une action en responsabilité pour rupture brutale de relations commerciales établies car ce dernier n’a pas maintenu les conditions commerciales antérieures durant le préavis accordé.

Sa demande est rejetée.

Lorsque les conditions de la relation commerciale établie entre les parties font l’objet d’une négociation annuelle, ne constituent pas une rupture brutale de cette relation les modifications apportées durant l’exécution du préavis qui ne sont pas substantielles au point de porter atteinte à l’effectivité de ce dernier.

Pour certaines conditions particulières, le distributeur n’avait pas démontré qu’elles étaient une pratique habituelle entre les parties avant la rupture et, pour d’autres, il n’était pas établi qu’elles avaient été supprimées par le fournisseur en cours de préavis ; pour une dernière série de conditions commerciales, relatives au mode d’approvisionnement, le fournisseur négociait annuellement les conditions commerciales avec ses distributeurs, de sorte qu’il était normal que celles-ci puissent évoluer, y compris pendant l’exécution du délai de préavis ; les parties avaient négocié annuellement, pendant la durée du préavis, les conditions particulières les liant, de sorte que le distributeur ne pouvait pas prétendre à l’application illimitée dans le temps de conditions commerciales favorables temporaires accordées pour une année et nécessairement remises en cause par le principe de la négociation annuelle entre les parties.

Liste des produits agricoles pour lesquels la contractualisation écrite est facultative

Liste des produits agricoles pour lesquels la contractualisation écrite est facultative

La conclusion d’un contrat de vente écrit est facultative pour les produits et catégories de produits agricoles dont la liste vient d’être fixée par un décret pris après concertation avec les organisations professionnelles concernées.

Tout contrat de vente de produits agricoles livrés sur le territoire français doit, en principe, être conclu sous forme écrite ; le contrat est alors d’une durée de trois ans et doit contenir un certain nombre de clauses, telles que celles relatives au prix et aux modalités de sa révision automatique (C. rur. art. L 631-24 modifié par loi 2021-1357 du 18-10-2021, dite « Egalim 2 »).

Comme la loi Egalim 2 le permet (C. rur. art. L 631-24-2, al. 1 modifié), un décret, pris après concertation avec les organisations professionnelles concernées, établit la liste des produits et catégories de produits pour lesquels, par dérogation, le contrat de vente (ou l’accord-cadre, en cas de mandat à une organisation de producteurs) peut ne pas être conclu sous forme écrite. Ces produits et catégories de produits sont définis au regard de la liste figurant à l’annexe I du règlement européen 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles (« règlement OCM »), qui correspond à celle concernée par l’obligation de contractualisation écrite.

1° Les dérogations au principe de la contractualisation écrite doivent, en principe, être prévues par un accord interprofessionnel étendu. Ce n’est qu’à défaut d’un tel accord que les dérogations sont listées par décret (C. rur. art. L 631-24-2, al. 1 modifié).

2° Si le contrat est tout de même conclu sous forme écrite, il est régi par les dispositions relatives à la contractualisation écrite obligatoire, sauf pour ce qui concerne la durée du contrat, qui, dès lors, peut être inférieure à trois ans (même art.).

Responsabilité de la tête d’un réseau de distribution pour rupture de relations établies avec un tiers

Responsabilité de la tête d’un réseau de distribution pour rupture de relations établies avec un tiers

La société qui exploite un réseau de distribution peut répondre de la rupture des relations commerciales qu’elle a imposée aux membres de son réseau, même s’ils ont une personnalité juridique distincte, dès lors qu’ils n’ont pas d’autonomie de décision.

Un fournisseur de fruits et légumes approvisionne quarante-trois magasins exerçant sous l’enseigne Leader Price et exploités soit directement par la société à la tête du réseau de distribution, soit par des sociétés tierces indépendantes liées à la société par des contrats de concession ou de franchise.

L’ensemble des magasins ayant cessé de se fournir auprès de lui, le fournisseur sollicite la réparation de son préjudice pour rupture brutale de leurs relations commerciales établies (application de l’article L 442-1, II du Code de commerce) directement auprès de la société tête de réseau.

Une cour d’appel rejette sa demande, en retenant notamment que les quarante-trois magasins étaient exploités, au moment de la rupture, par trente-six sociétés différentes pourvues de personnalités juridiques autonomes et distinctes de la société tête de réseau, que les factures produites étaient émises à l’adresse des multiples établissements sous enseigne et non à la société tête de réseau et que plusieurs sociétés exploitant ces magasins étaient des concessionnaires indépendants, par conséquent personnellement responsables de toute rupture brutale de relations commerciales établies commise au préjudice du fournisseur.

Arrêt censuré par la Cour de cassation. La circonstance que les sociétés membres du réseau avaient une personnalité juridique distincte de celle de la société tête de réseau n’excluait pas que celle-ci doive répondre d’une rupture des relations commerciales qu’elle leur aurait, de fait, imposée. La cour d’appel aurait donc dû rechercher si ces sociétés disposaient, quel que soit leur statut, d’une autonomie de décision quant au choix de leurs fournisseurs et, le cas échéant, la poursuite de leur relation commerciale avec ceux-ci.

Refus d’agrément : s’il y a accord sur la fixation du prix par expert, le rachat des titres est parfait

Refus d’agrément : s’il y a accord sur la fixation du prix par expert, le rachat des titres est parfait

Lorsque la clause d’agrément des statuts d’une SAS prévoit que, après refus d’agrément, la société ou les autres associés doivent racheter les actions, la société a racheté les actions si elle a demandé, dans le délai imparti, et si le cédant a accepté la désignation d’un expert pour fixer le prix.

La clause d’agrément figurant dans les statuts d’une société par actions simplifiée (SAS) prévoit, en cas de refus d’agrément, le rachat des actions de l’associé cédant par un autre associé ou par la société, dans un certain délai, éventuellement prolongé par décision de justice, au prix fixé par les parties ou, à défaut, par expert en application de l’article 1843-4 du Code civil. Après avoir refusé d’agréer le projet de cession notifié par l’un de ses associés, la SAS demande en référé la mise sous séquestre des actions puis, ultérieurement, la nomination d’un expert pour fixer la valeur de ces titres. L’associé cédant demande la condamnation de la SAS à lui payer le prix de cession des actions tel que fixé par l’expert.

Une cour d’appel rejette cette demande, jugeant que l’agrément de la cession initialement prévue doit être considéré comme donné, faute pour la SAS d’avoir demandé la prolongation du délai imparti pour racheter les actions après avoir notifié son refus d’agrément, aucun accord sur le principe du rachat ou sur le prix n’étant intervenu.

Arrêt censuré par la Cour de cassation : en demandant la mise sous séquestre des actions après le refus d’agrément et la nomination d’un expert pour en fixer le prix, la SAS avait manifesté son intention d’acquérir les titres au prix fixé par l’expert désigné, ce qu’avait accepté l’associé cédant, de sorte que l’accord s’était fait sur la chose et les modalités de détermination du prix.

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