Avocat en droit des affaires et fiscalités

Oussama Bourass EI

- Actualités en Droit des contrats -

Les clauses d’exclusivité de contrats de distribution peuvent constituer un abus de position dominante

Les clauses d’exclusivité de contrats de distribution peuvent constituer un abus de position dominante

Des clauses d’exclusivité dans des contrats de distribution sont constitutives d’un abus de position dominante de l’entreprise titulaire du réseau de distribution si elles ont la capacité d’évincer des concurrents de celle-ci.

La CJUE juge d’abord que les agissements adoptés par des distributeurs faisant partie du réseau de distribution des produits ou des services d’un producteur jouissant d’une position dominante peuvent être imputés à ce dernier s’il est établi que ces agissements n’ont pas été adoptés de manière indépendante par les distributeurs, mais qu’ils font partie d’une politique décidée unilatéralement par ce producteur et mise en œuvre par l’intermédiaire des distributeurs.

Il incombe à toute entreprise qui détient une position dominante une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par son comportement, à une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur (CJUE 6-9-2017 aff. 413/14 P Intel / Commission, pt 135 et jurisprudence citée). Une telle obligation vise à prévenir non seulement les atteintes à la concurrence occasionnées directement par le comportement de l’entreprise en position dominante, mais également celles engendrées par des comportements dont la mise en œuvre a été déléguée par cette entreprise à des entités juridiques indépendantes, tenues d’exécuter ses instructions. Lorsque le comportement reproché à l’entreprise en position dominante est matériellement mis en œuvre par un intermédiaire faisant partie d’un réseau de distribution, ce comportement peut donc être imputé à cette entreprise s’il apparaît qu’il a été adopté conformément aux instructions spécifiques données par celle-ci, au titre de la mise en œuvre d’une politique décidée unilatéralement par cette entreprise et à laquelle les distributeurs concernés étaient tenus de se conformer.

Il en va ainsi, notamment, lorsqu’un tel comportement prend la forme de contrats types, entièrement rédigés par un producteur en position dominante et contenant des clauses d’exclusivité au bénéfice de ses produits que les distributeurs de ce producteur sont tenus de faire signer aux exploitants de points de vente sans pouvoir les amender, sauf accord exprès dudit producteur. En effet, dans de telles circonstances, ce producteur ne peut pas raisonnablement ignorer que, eu égard aux liens juridiques et économiques l’unissant à ces distributeurs, ces derniers mettront en œuvre ses instructions et, par ce moyen, la politique arrêtée par lui. Un tel producteur doit, dès lors, être considéré comme étant prêt à assumer les risques d’un tel comportement.

La Cour précise que l’imputabilité à l’entreprise en position dominante du comportement mis en œuvre par ses distributeurs n’est conditionnée ni à la démonstration de ce que les distributeurs concernés font également partie de cette « entreprise », au sens de l’article 102 du TFUE, ni même à l’existence d’un lien « hiérarchique » résultant d’une pluralité systématique et constante d’actes d’orientation adressés à ces distributeurs susceptibles d’influer sur les décisions de gestion que ces derniers adoptent à l’égard de leurs activités respectives.

Achat sous condition d’obtention d’un prêt : l’acheteur peut refuser un prêt inférieur au maximum prévu.

Achat sous condition d’obtention d’un prêt : l’acheteur peut refuser un prêt inférieur au maximum prévu.

L’indication, dans la promesse de vente conclue sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt, d’un montant maximal du prêt n’oblige pas l’acheteur à accepter une offre de la banque d’un montant inférieur.

Une promesse synallagmatique de vente d’un appartement est conclue sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt d’un montant maximal de 414 000 € sur 25 ans et au taux de 2 % l’an hors assurance. N’ayant obtenu qu’une offre de prêt d’un montant de 407 000 €, l’acheteur renonce à la vente. Le vendeur demande la condamnation de l’acheteur à lui verser 38 600 € au titre de l’indemnité d’immobilisation, considérant qu’il était tenu d’accepter l’offre de prêt qui ne dépassait pas le montant maximal prévu dans la promesse.

La demande du vendeur est rejetée. L’indication, dans la promesse, d’un montant maximal du prêt n’était pas de nature à contraindre l’acheteur à accepter toute offre d’un montant inférieur. En l’espèce, la défaillance de la condition n’était pas imputable à l’acheteur, dès lors qu’il avait fait une demande de prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente qui lui avait été refusée par la banque. La promesse était donc devenue caduque.

Les actions croisées de la caution et du créancier à l’épreuve de la prescription

Les actions croisées de la caution et du créancier à l’épreuve de la prescription

La mise en demeure de payer adressée par le créancier à la caution par lettre recommandée AR fait courir le délai dans lequel la caution peut agir en responsabilité contre le créancier, même si la caution n’a pas réceptionné ce courrier.

La prescription quinquennale (C. civ. art. 2224 ; C. com. art. L 110-4) s’applique à l’action en responsabilité engagée par la caution contre la banque créancière, qu’elle agisse pour manquement de celle-ci à son devoir de mise en garde (Cass. com. 1-7-2020 no 18-24.339 F-D : RJDA 2/21 no 123), à son obligation d’information (Cass. com. 13-2-2019 no 17-28.425 F-D : RJDA 5/19 no 367), pour disproportion du cautionnement (Cass. com. 12-5-2004 no 02-10.653 FS-PB : RJDA 11/04 no 1288 ; Cass. 1e civ. 5-1-2022 no 20-17.325 FS-B : BRDA 5/22 inf. 16) ou encore pour rupture abusive de crédit (Cass. com. 9-7-2019 no 17-28.792 F-D : RJDA 12/19 no 775). Le point de départ de cette prescription est fixé au jour où la caution a su que son engagement allait être mis à exécution en raison de la défaillance du débiteur (Cass. com. 8-4-2021 no 19-12.741 F-P : RJDA 8-9/21 no 603), cette connaissance résultant de la mise en demeure adressée par la banque à la caution (Cass. com. 12-5-2004 no 02-17.735 FS-PB : RJDA 11/04 no 1287 ; Cass. com. 4-5-2017 no 15-22.830 F-D : RJDA 10/17 no 653) ou, à défaut, d’une assignation qu’elle lui a notifiée (Cass. com. 1-7-2020 no 18-24.339 F-D : RJDA 2/21 no 123).

Si la mise en demeure est effectuée par lettre recommandée AR, la mise en demeure reste valable si la lettre a été retournée à l’expéditeur avec la mention « non réclamé » (Cass. 1e civ. 20-1-2021 no 19-20.680 P : BRDA 4/21 no 17). Dans cette dernière décision, la Cour de cassation avait précisé que, de nature non contentieuse, la mise en demeure n’est pas soumise aux dispositions du Code de procédure civile qui subordonnent la validité de la notification des actes de procédure par lettre recommandée AR à la signature du récépissé par le destinataire. La solution, de portée générale, qui avait été alors appliquée à la mise en demeure d’un emprunteur, vaut aussi pour la mise en demeure de la caution, comme l’indique ce nouvel arrêt. C’est donc la date d’envoi de la lettre recommandée qui fait courir le délai de prescription. Attention, lorsque la caution invoque la faute de la banque seulement pour obtenir le rejet de la demande en paiement formée par cette dernière, cette défense au fond n’est pas soumise à prescription (Cass. 3e civ. 4-10-2018 no 17-15.601 F-D ; Cass. 1e civ. 5-6-2019 no 18-13.226 F-D ; dans le même sens, Cass. 1e civ. 5-1-2022 no 20-17.325 FS-B appliquant la prescription à la demande formée par la caution contre la banque avant même d’être poursuivie par celle-ci).

La résolution d’un contrat peut être prononcée pour inexécution non fautive de celui-ci

La résolution d’un contrat peut être prononcée pour inexécution non fautive de celui-ci

L’inexécution d’un contrat, fautive ou non, peut provoquer la résolution de celui-ci et la restitution de l’acompte versé sur la prestation inexécutée. Application à un contrat inexécuté en raison de la crise sanitaire

La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté peut provoquer la résolution du contrat (C. civ. art. 1217). La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice (art. 1227) et elle met fin au contrat (art. 1229, al. 1). Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre (art. 1229, al. 3). Un prestataire s’engage par contrat à fournir des prestations de restauration à une société durant un salon professionnel international qui doit se tenir du 9 au 13 mars 2020. Le salon est reporté puis annulé le 26 mars 2020 à la suite des mesures sanitaires prises par les pouvoirs publics pour lutter contre la propagation du Covid-19. La société met en demeure le prestataire de restituer l’acompte de 150 000 € qu’elle lui a versé. Le prestataire refuse, soutenant que le contrat n’est pas résilié. La société demande la résolution du contrat et la restitution de l’acompte.

La cour d’appel en Provence rejette les demandes pour les raisons suivantes : le contrat prévoyait une retenue de 100 % du prix des prestations commandées en cas d’annulation tardive ; si l’annulation du salon professionnel avait empêché le prestataire d’exécuter sa prestation de traiteur, elle n’avait pas empêché la société de remplir son obligation de verser les sommes contractuellement prévues ; bien que l’inexécution du contrat ait été totale et d’une gravité suffisante, elle ne pouvait pas être considérée comme fautive puisqu’elle avait été causée par l’annulation du salon. La cour d’appel ne pouvait pas statuer ainsi dès lors qu’elle avait constaté que les prestations objet du contrat n’avaient pas été exécutées. La Cour de cassation a donc censuré cette décision.

L’acheteur d’un bien infesté de parasites ne peut agir que sur le fondement des vices cachés

L’acheteur d’un bien infesté de parasites ne peut agir que sur le fondement des vices cachés

L’acheteur ne peut pas agir sur le fondement de l’obligation de délivrance et d’information lorsque le défaut du bien constitue un vice caché. Tel est le cas de l’infestation parasitaire ayant détruit la charpente et le solivage, entraînant un risque d’effondrement.

Un corps de bâtiment à réhabiliter en maison d’habitation est vendu. L’acheteur constate que la charpente est infestée de parasites et assigne le vendeur en indemnisation de son préjudice sur le fondement de l’obligation de délivrance et sur celui de l’obligation de conseil et d’information. Les juges rejettent sa demande aux motifs que l’infestation parasitaire par des vrillettes a détruit les pièces principales de la charpente et du solivage, entraînant un risque d’effondrement, et que ce défaut ne pouvait constituer qu’un vice caché.

Point de départ du délai de prescription de l’action d’un constructeur contre un autre constructeur

Point de départ du délai de prescription de l’action d’un constructeur contre un autre constructeur

L’action d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant se prescrit par 5 ans à compter de la date à laquelle le maître de l’ouvrage a assigné le constructeur demandeur aux fins d’indemnisation de ses préjudices.

Un office public de l’habitat (OPH) confie la maîtrise d’œuvre et la réhabilitation d’un immeuble à un groupement qui sous-traite une partie des travaux à une entreprise (Arcade). À la suite de désordres, le groupement est condamné en 2016 par un jugement du tribunal administratif, confirmé en appel le 15 mars 2018. Le 6 mars 2018, l’OPH assigne un autre constructeur (Archibald), le sous-traitant et son assureur devant le juge judiciaire en remboursement des sommes payées. La cour d’appel déclare les demandes prescrites par 5 ans. Elle estime que ce délai a commencé à courir à compter de la demande de référé-expertise engagée par l’OPH le 13 septembre 2011. 

Cette décision est cassée par la Cour de cassation, qui énonce un revirement de jurisprudence. L’arrêt expose que, par un arrêt rendu en 2020 (Cass. 3e civ. 16-1-2020 no 18-25.915 FS-PBRI), il a été jugé que le délai de recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève de l’article 2224 du Code civil et se prescrit par 5 ans à compter du jour où le constructeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. On estimait jusqu’alors que tel était le cas de l’assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l’ouvrage à l’entrepreneur. Mais la Cour de cassation ajoute que cette règle obligeait les constructeurs à introduire un recours en garantie contre d’autres intervenants avant même d’avoir été assignés en paiement par le maître de l’ouvrage, dans le seul but d’interrompre la prescription. Cette pratique posait problème car l’assignation en référé-expertise suspend la prescription, qui recommence à courir du jour où l’expertise a été exécutée, et le délai de 5 ans peut expirer avant celui de 10 ans ouvert au maître de l’ouvrage pour la réparation de son préjudice. Estimant que la multiplication des recours préventifs nuit à une bonne administration de la justice, la Cour de cassation estime qu’il y a lieu de modifier la jurisprudence.

Elle décide que, le constructeur ne pouvant agir en garantie avant d’avoir été lui-même assigné aux fins de paiement ou d’exécution de l’obligation en nature, il ne peut pas être considéré comme inactif avant l’introduction des demandes principales. C’est donc l’assignation accompagnée d’une demande de reconnaissance du droit, même par provision, qui sert de point de départ au délai de prescription de l’action récursoire. En l’espèce, l’assignation du groupement contre le sous-traitant ayant été délivrée moins de 5 ans après la requête de l’OPH adressée au tribunal administratif aux fins d’indemnisation de ses préjudices, elle était recevable.

L’action en garantie décennale n’est pas ouverte à l’usufruitier

L’action en garantie décennale n’est pas ouverte à l’usufruitier

Bien que titulaire du droit de jouir de la chose, l’usufruitier n’en est pas le propriétaire. L’action en garantie décennale ne lui est donc pas ouverte. Il peut, en revanche, agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.

Statuant sur l’action d’un usufruitier contre une entreprise qu’il avait chargée de réaliser la charpente métallique et le revêtement d’un bâtiment à usage commercial, la Cour de cassation énonce deux règles :

- l’usufruitier, quoique titulaire du droit de jouir de la chose, n’en est pas le propriétaire. Il ne peut donc pas exercer, en sa seule qualité, l’action en garantie décennale que la loi attache à la propriété de l’ouvrage et non à sa jouissance ;

- l’usufruitier peut néanmoins agir, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, en réparation des dommages que lui cause la mauvaise exécution des contrats qu’il a conclus pour la construction de l’ouvrage, y compris les dommages affectant l’ouvrage.

Le bénéficiaire de la garantie décennale est le maître de l’ouvrage, qui dispose du droit de construire. L’arrêt commenté limite le bénéfice de la garantie décennale à celui qui a la propriété de la chose. La solution n’est pas nouvelle. Dans un arrêt ancien, la Cour de cassation avait déjà affirmé que la garantie décennale « constitue une protection légale, attachée à la propriété de l’immeuble » (Cass. 1e civ. 28-11-1967 no 65-12.642 : Bull. civ. I no 348).

Conditions d’application de la garantie décennale aux panneaux photovoltaïques

Conditions d’application de la garantie décennale aux panneaux photovoltaïques

Les panneaux photovoltaïques qui participent à la réalisation de l’ouvrage de couverture dans son ensemble relèvent de la garantie décennale lorsqu’un risque d’incendie affecte la couverture du bâtiment et le rend impropre à sa destination.

Une société confie à une entreprise spécialisée l’installation en toiture d’un bâtiment, dont la couverture a été préalablement déposée, d’une unité de production d’énergie solaire. L’installation comporte des panneaux photovoltaïques équipés de boîtiers de connexion. Les panneaux et les boîtiers sont fournis par des entreprises spécialisées et le câblage de l’installation est assuré par un sous-traitant de l’entreprise. Un an après la réception et divers incidents, l’installation est mise en arrêt total pour un défaut sériel affectant les boîtiers de connexion. Le maître de l’ouvrage assigne l’entreprise principale en la personne de son liquidateur et son assureur. Celui-ci appelle en garantie les autres prestataires et leurs assureurs.

Débouté de son action en garantie décennale par la cour d’appel de Pau, le maître de l’ouvrage forme un pourvoi en cassation et formule deux griefs. Il reproche à la cour d’appel d’avoir fait application de l’article 1792-7 du Code civil en estimant que les modules photovoltaïques constituent un élément d’équipement dont le vice n’affecte que la production d’énergie sans porter atteinte à la solidité et à la destination de l’ouvrage. Or, soutient le maître de l’ouvrage, une installation photovoltaïque constitue dans son ensemble un ouvrage ayant pour fonction le clos et le couvert ainsi que la production d’électricité.

Il critique aussi la cour d’appel en ce qu’elle a retenu un début de combustion interne des boîtiers qui n’a été suivie d’aucun début d’incendie portant atteinte à la couverture de l’ouvrage, alors que le risque d’incendie suffit à faire jouer la garantie décennale.

Ces griefs sont retenus et la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel. Elle décide d’abord qu’en ayant retenu que les panneaux photovoltaïques constituaient un élément d’équipement, après avoir constaté qu’ils participaient de la réalisation de l’ouvrage de couverture dans son ensemble en assurant une fonction de clos, de couvert et d’étanchéité du bâtiment, la cour d’appel a violé les articles 1792 et 1792-7 du Code civil. Elle retient ensuite que le risque avéré d’incendie de la couverture d’un bâtiment le rend impropre à sa destination. Elle censure sur ce point la cour d’appel au visa de l’article 1792 du Code civil.

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